mercredi 10 décembre 2014

Le Maroni, entre la Guyane et le Suriname

Je poursuis la découverte de la Guyane en me rendant à Saint Laurent du Maroni, à la frontière avec le Suriname.
Eglise (en bois et briques rouges) de St Laurent



Voilier au mouillage devant St-Laurent (le proprio sera mon guide sur le Maroni)


Pirogue classique pour la traversée du Maroni

Seules 4 heures de bus séparent Cayenne de St Laurent, et pourtant ces deux villes n'ont rien à voir entre elles.
Mes 2 premiers jours dans cette ville m'ont parus assez étranges, car pour la première fois je me sentais très étranger, très touriste, et pas forcément bien accepté. Il faut savoir que, hormis Cayenne, Kourou et certains rares sites, la Guyane est très peu axée sur le tourisme, donc le voyageur est très vite remarqué et observé.

Mais cette étrange impression me passa bien vite, notamment grâce à mes différentes rencontres qui m'ont permise de comprendre l'histoire et la culture locale. Finalement, lorsque je fus contraint de partir de cette ville pour assister au lancement d'Ariane, je regrettais un peu que mon passage ici soit si court. Lorsqu'on s'y intéresse un minimum, cette ville, et surtout les peuples qui y vivent ainsi que les habitants du Maroni, sont très attachants et intrigants

J'ai établit mon QG dans un tout petit carbet ( = toit avec hamac), trouvé par hasard juste avant la tombée de la nuit (Amazonie Acceuil, 3 rue R. Barrat, 05 94 34 41 78). Je recommande vivement cette adresses aux voyageurs de passage à St Laurent!
La gérante est une sympathique Paramaka (ethnie de Bushiningués), mariée à Gilbert, avec qui j'ai beaucoup appris. Cet homme est une véritable bibliothèque vivante, qui m'a enfin donné l’opportunité de mieux cerner qui sont les Bushiningués.
Etant lui aussi technicien dans l'aéronautique, il fut heureux de m'initier à de nombreuses techniques amérindiennes, comme l'art de la construction des pirogues.
Ce carbet est dans l'enceinte de la maison familiale, où vivent une pléthore de gamins, les parents et la belle famille. Bref, autant dire que mon séjour chez eux contribua grandement à ma compréhension du style de vie local.

J'ai en particulier été marqué par le rôle primordial de la femme dans la famille. Il s'agit de la maîtresse de maison, qui dirige d'une main de fer dans un gant de velours tout ce qui s'approche de près ou de loin à la communauté familiale, en particulier les enfants et la maison. Si l'homme montre à l’extérieur sa virilité, arrivé à la maison il se tient à carreau. D'après Gilbert, ceci est la particularité des sociétés matriarcales construites lors de l'esclavage. Autrefois, les enfants d'esclaves appartenaient à leur mère esclave, et le père n'avait absolument aucun droit sur l'enfant.

Chez Gilbert, j'ai aussi rencontré Sarah, une citadine perdue dans les contrés guyanaises, à la recherche d'un travail de psy ou dans l'écologie ... Je pense qu'elle est d'abord à la recherche d'elle même. Mais très sympathique, alors je lui propose de l'accompagner pour la traversé du Maroni le lendemain.
Nous voilà donc en direction du dégrad (mot local désignant un pseudo embarcadère formé d'une simple plage), où nous sommes assaillis par une bonne dizaine de passeurs. Ils se battraient presque pour nous embarquer. Je "négocie" le passage à 5 euros pour Sarah et moi, puis nous embarquons pour Albina, la ville Surinamaise juste en face de Saint Laurent.
Dégrad d'Albina

Sarah dans la pirogue pour le passage du Maroni

Étale du marché d'Albina. Remarquez les boules blanches : c'est du Pemba, une argile blanche riche en aluminium que mangent souvent les femmes enceintes, par tradition. Cette consommation excessive est très dangereuse, donc interdite de vente en France. Mais pas au Suriname...
Albina est une ville frontière, qui ne sert qu'à faire transiter des marchandises peu coûteuses vers la Guyane. Sa deuxième vocation est d'être un centre de taxi collectifs vers Paramaribo, la capitale du Suriname.

Se rendre à Paramaribo n'est pas très cher. Alors je me suis dit qu'il fallait y aller, ça serait dommage de passer juste à coté sans m'y rendre. Formalité administrative (achat de la carte touriste de visa=22€ au consulat du Suriname à Saint Laurent, à coté de la Société des Eaux) + trajet en taxi collectif (20€ pour les 200km), et me voilà à Paramaribo.


Magnifique cathédrale de Paramaribo entièrement en bois
Remarquez cette synagogue bâtie à coté de la Mosquée. Cette situation est bien représentative des relations inter-ethniques à Paramaribo.

Architecture coloniale (hollandaise) typique de Paramaribo.
(photo internet car plus de batterie dans mon appareil)
Ce qui m'a le plus marqué en arrivant dans cette ville, ce sont les magnifiques architectures coloniales hollandaises. Les bâtiments administratifs, mais aussi les résidences, les hôtels et même les magasins sont construits exclusivement en bois, avec de formidables charpentes.
J'ai rencontré un journaliste qui m'expliquait que ces charpentes sont construites de manière à pouvoir suivre les nombreux mouvements de terrain, grâce à des structures emboîtées et glissants les unes dans les autres.Ces bâtiments sont bien sûr issus du temps de la colonie hollandaise.

Le journaliste m'indiquais que, pour beaucoup de surinamais, cette architecture n'est pas proprement surinamaise, d'où la tendance à ne pas entretenir ces bâtiments afin de les raser pour en construire d'autres. Oui, mais ceux qui sont reconstruits sont sensiblement identiques à ceux détruits. Étrange paradoxe qui illustre assez bien la volonté d'oublier les temps coloniaux, tout en se rendant compte que c'est bien la colonie qui à donné vie au Suriname. Comment trouver son identité culturelle et en même temps détruire ce qui l'a construit?
Maison coloniale en ruine (photo internet car plus de batterie dans mon appareil)
Le mélange des origines est ici aussi prononcé qu'en Guyane, mais les peuples diffèrent, tout comme l'histoire. Etonnement, il y a au Suriname une réelle volonté de développement, avec de surprenant résultats et une dynamique collective à en faire rougir la Guyane ...

Pour les voyageurs, voici 2 bonnes adresses pour se loger à Paramaribo : Un Pied à Terre et le Greenhart Hotel, tous les deux sur la Costerstraat. Très sympahtiques, et en plus, ils parlent français! Leur site : http://guesthouse-un-pied-a-terre.com/fr

Terrasse de ma chambre
Vue de la court intérieur de l'hotel
Parmi les curiosités à découvrir à Paribo' (diminutif de Paramaribo), il y a le marché chinois, très semblable à celui de Cacao en Guyane, la cuisine locale très variée (à l'image de la population). Perso, j'ai trouvé la cuisine créole surinamaise très bonne et intéressante. Evidemment, les repas asiatiques sont aussi très présents et raffinés (il y a beaucoup d'indiens et de chinois au Suriname).
Mais la curiosité la plus typique de la ville (et même des provinces environnantes), est le combat de chant de picolets.

Il s'agit d'approcher deux oiseaux et d'attendre que l'un des deux capitule. Il faut savoir que ces oiseaux ont la particularité, à l'état sauvage, de vouloir toujours chanter plus fort que les autres. S'il sentent une supériorité, ils baissent la tête en gage de soumission.
Ces combats constituent pour moi un joli paradoxe entre la douceur mélodieuse des chants d'oiseaux et la férocité avec laquelle ils s'acharnent pour être les plus forts.
Ces combats se font le dimanche sur place principale, où une bonne cinquantaine de concurrents concourent très sérieusement.

Ma visite de Paramaribo est écourtée, car j'ai obtenu mon invitation pour assister au lancement d'Ariane le 4 décembre!
Je quitte donc le Suriname pour revenir en Guyane, et retrouver Steph et Gaëlle. En passant par Saint Jean pour une splendide descente d'une  demi journée en pirogue sur le Maroni, je rencontre  Noëlle et Michel. Férus de voile comme moi, le courant passe bien ou nous voilà partis ensemble pour Cayenne dans leur petite clio.

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